18 février 2020

Écrit par Cluster Industrie

Adopter une approche data driven : une nécessité pour l’Industrie qui doit se réinventer face aux nouveaux entrants

En pleine transition numérique, les entreprises du secteur de l’Industrie connaissent un certain nombre de challenges à relever faisant face notamment à l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché industriel tels que les GAFAs. Grâce à des acquisitions successives le long de la chaîne de valeur, ces géants du marché favorisent la désintermédiation en maîtrisant petit à petit toute cette chaîne, de la conception du produit à sa distribution, rentrant donc directement en compétition avec les acteurs traditionnels de l’Industrie.

Afin de relever ce défi et de rester compétitifs face à ces nouveaux entrants, les industriels doivent innover dans leur approche en s’appuyant notamment sur la connaissance et la maîtrise des comportements clients pour répondre le plus précisément possible à leurs besoins, être au plus proche de l’utilisateur et maîtriser à leur tour toute la chaîne. Renforcer cette connaissance client et sa relation nécessitent la maîtrise d’un paramètre capital : la data.

Pour valoriser au mieux cette donnée, encore faut-il la collecter, la traiter et l’exploiter.

De nouvelles approches industrielles au sein du secteur favorisent la récolte de data client

Les investissements mondiaux des entreprises dans le secteur de la data et de l’analytique ont connu une croissance fulgurante ces dernières années (plus de 12% de croissance entre 2017 et 2018, pour un total de 189 milliards d’euro sur l’année 2019. IDC). Cette croissance a notamment été portée par les industriels qui représentent en Europe le 1er secteur en termes de dépenses dans le domaine de la data (8,3 Mds€ attendus en 2020).

Ces investissements massifs s’expliquent notamment par le rôle capital que joue directement ou indirectement la data dans la réponse aux enjeux d’innovation auxquels font face les industriels pour rester compétitifs : optimiser les processus & améliorer la qualité des produits existants, faire évoluer les modèles économiques à travers la conquête de nouveaux marchés, diversifier les activités en développant un modèle serviciel.

Cette accélération des investissements sur les sujets liés à la donnée fait écho à un véritable mouvement de fond : l’essor de l’IoT qui permet, par la collecte d’une immense masse de données, d’acquérir connaissance et maîtrise de la chaîne de valeur tout en se rapprochant des besoins client. Cet essor se manifeste à travers trois approches business.

Utiliser l’IOT pour collecter les données clients et mieux comprendre les besoins en valorisant ses offres existantes ou en développant de nouveaux usages 

Selon les études du cabinet Gartner, 20 milliards d’objets connectés seront en circulation à l’horizon 2020 et tous collecteront des données qui seront ensuite exploitées et devront apporter de la valeur. 

Parmi ceux-ci, prenons l’exemple des objets dédiés à la maison connectée : même si la domotique traditionnelle n’a jamais réussi à convaincre les Français, l’IoT a changé la donne. Ainsi, depuis 2017, les ventes d’objets connectés pour la maison croissent de près de 44% par an et devraient atteindre 1,5Md€ d’ici 2020.

Suivant cette tendance, Legrand, un des leaders mondiaux des produits et systèmes pour installations électriques et réseaux d’informations s’adapte déjà à cette mutation en proposant de nombreux équipements domotiques permettant de piloter l’éclairage, le chauffage etc. (My Home, Céliane…). Dans une ambition plus large, le groupe souhaite rendre connecté l’ensemble de ses produits électriques (prises, interrupteurs…) et devenir l’un des leaders de l’IoT via le programme ELIOT (Electricity Internet Of Things). D’ici 2020, le groupe prévoit une croissance sur la vente de ses objets connectés de 10%. Dans cette perspective, Legrand a notamment présenté, en collaboration avec Amazon et son assistant vocal Alexa, un interrupteur connecté permettant à l’utilisateur de contrôler vocalement l’éclairage de la maison.

Schneider, spécialiste mondial en gestion de l’énergie, lance de son côté des programmes de recherche comme “Ecosystème Connectivité” dont l’objectif est la mise en place de la connectivité dans les bâtiments résidentiels, tertiaires et les hôtels.  Afin de répondre à son ambition, le Groupe a mis en place sa Digital Services Factory et s’appuie sur des millions d’appareils connectés installés chez ses clients afin de comprendre leurs comportements et de leur proposer des produits et services adaptés.

Outre la diversification de son offre, les objets connectés permettent des interactions constantes entre l’utilisateur final et le constructeur avec des données variées et en temps réel autour de l’utilisation du produit par le client. Cette multitude de données est une mine d’or pour les industriels qui peuvent alors capitaliser sur cette data afin de mieux comprendre l’usage que le client fait du produit qui lui est proposé.

L’IoT, à travers la digitalisation complète de la chaîne de production, offre notamment aux industriels de nouvelles perspectives de personnalisation de la production et de la distribution, et ce à moindre coût, y compris sur des volumes réduits.

Si le développement et la démocratisation des nouvelles technologies promettent aux industriels des opportunités alléchantes, ils ont cependant entraîné partout sur le marché de l’industrie, permettant à de nouveaux acteurs de s’y inviter. 

Parmi ces nouveaux entrants, les GAFA interviennent de plus en plus sur la distribution auprès des industriels et n’hésitent parfois pas à s’implanter en concurrence frontale face à ceux-ci (par exemple, Wholefoods, entreprise alimentaire de produits biologiques rachetée par Amazon en 2017). Au-delà de la distribution, ces acteurs choisissent parfois de se positionner sur l’ensemble de la chaîne de valeur. C’est notamment le cas avec les enceintes Google Home et Amazon Alexa, mais encore avec les activités des Gafas dans l’industrie automobile ou la robotique.

Faire face à cette concurrence demande de développer les compétences technologiques de l’entreprise, en favorisant l’innovation et en diversifiant l’activité de celle-ci. Une des modalités les plus communes de diversification de l’activité des industriels tient au passage à un modèle B2C où ceux-ci reprennent notamment la main sur la distribution de leurs produits.

Ainsi quelques acteurs du secteur se sont lancés dans le e-commerce directement en B2C. C’est par exemple le cas de Hager avec le rachat de la marque B2C Diagral et la refonte de son site e-commerce pour répondre aux ambitions de développement de l’activité. Cette diversification, en plus d’être directement vertueuse pour le business (maîtrise de la chaîne de valeur, augmentation des marges, fidélisation des clients & visibilité, …) permet là encore de collecter des données clients de manière massive.

Développer sa distribution B2C, c’est en effet se permettre de produire des données issues du contact direct et personnalisé avec son utilisateur final. Des données qui seront des plus précieuses pour se forger une vision au plus près des besoins clients, afin de mieux les servir. 

Enfin, l’IoT constitue pour les industriels un formidable levier de développement dans les services permettant ainsi d’approfondir la relation avec l’utilisateur.

Bien plus que la seule conception produit, la prestation de service devient presque tout aussi importante et permet de suivre le client de la vente à la fin de vie du produit et ainsi de le fidéliser. Manutention, formation, sensibilisation, SAV… Autant de possibilités de services possibles pour les industriels afin d’enrichir leurs offres ! À condition de proposer rapidement des solutions valorisant les données de leurs produits, car d’autres acteurs, en particulier les géants de la tech et des logiciels (Microsoft, IBM, SAP, etc.), cherchent à se développer autour de ce type de prestations.

Le développement de services à forte valeur ajoutée est notamment un moyen digital de tracer le parcours du client et d’obtenir un maximum de données. Bosch, fabriquant d’outils et d’appareils électroménagers, propose ainsi un SAV directement accessible via son site internet. Ainsi, lorsque l’utilisateur rencontre un problème, il peut faire appel à un expert Bosch à tout moment afin d’obtenir une intervention technique ou le remplacement d’une machine.

Ces différentes tendances du marché industriel permettent donc de collecter une quantité considérable de données autour du client. Une richesse qui reste à exploiter afin de mieux le connaître et de renforcer une approche customer centric autour des offres. Récolter, oui, mais surtout à valoriser !

Traiter et qualifier la data : un triple enjeu pour les organisations

Afin de tirer le meilleur parti de la data et de faire fructifier cette richesse, il est important d’organiser et de traiter au mieux la donnée récoltée. À titre d’exemple, à l’heure actuelle, seulement 7% des industriels font de l’analyse Big Data et plus de 85% des datas liées aux objets connectés ne sont pas utilisées…

Pour réussir à exploiter cette data brute, il est nécessaire pour les organisations de maîtriser un process, dont la collecte de données n’est que la première brique :

La maîtrise de ce process de gestion de la connaissance client est un véritable enjeu et challenge les organisations de l’industrie à plusieurs niveaux : budgétaire & organisationnel, opérationnel, légal (RGPD).

Sur les plans budgétaire et organisationnel, le traitement et la maîtrise des données client impliquent de lourds investissements pour disposer d’outils et de compétencesclés indispensables au bon traitement. De surcroît, certains industriels n’hésitent pas à développer des partenariats afin de répondre au mieux à cet enjeu.

Des investissements colossaux dans le traitement interne des données ont été faits. À titre d’exemple, General Electric a effectué un investissement en R&D de plus d’1 Milliard de dollars afin de contrôler la saisie et le traitement de ses données en interne.

De plus, le recrutement de nouveaux profils spécifiques et extrêmement recherchés comme par exemple les data scientists, qui maîtrisent le machine learning, la construction d’algorithmes et des expertises en informatiques et mathématiques est un véritable challenge sur le long terme. Le Groupe Thales subventionne depuis cette année la chaire de l’École Polytechnique afin de former les futurs experts de demain et Safran, quant à lui, soutient la Chaire Machine Learning for Big Data créée en 2013 au sein de Telecom ParisTech. Toutefois, l’internalisation de ces compétences n’est pas toujours l’option choisie. Schneider Electric a par exemple signé un partenariat avec Teradata, spécialiste de l’analyse de données, afin de développer de nouvelles solutions. 

Sur le plan opérationnel, un alignement des visions métiers et SI est crucial afin de mettre à la disposition des métiers une data de qualité et robuste sur laquelle s’appuieront des projets à forte valeur pour le client. 

Le chantier de traitement et de qualification des données client est un chantier qui doit être pris en transverse au sein des organisations. Il nécessite un réel alignement de la vision et des besoins métiers (exploitation de la donnée) et des systèmes SI (architecture, hébergement, traitement de la donnée). Il est en effet nécessaire d’inclure les métiers dans toutes les étapes du processus de gestion de la donnée afin de s’assurer du bon niveau de valeur apportée pour les projets des différents services. 

Enfin, sur le plan légal, le stockage et la manipulation de données personnelles nécessitent une mise en conformité sur toutes les étapes du process afin de répondre aux exigences RGPD.

En effet, la question du stockage et du traitement des données client est encadrée par la législation RGPD (Réglementation Générale de la Protection des Données Personnelles) et un travail de mise en conformité doit être opéré par les organisations, à la fois du côté des directions juridiques, des DSI mais également du côté des métiers, point de contact avec les clients. 

Le traitement de la donnée est donc un enjeu sur plusieurs niveaux dont il faut tenir compte pour être le plus exhaustif possible dans la démarche. Bien que complexe et parfois méconnu, ce traitement est indispensable pour orienter au mieux les réflexions autour de l’exploitation de la data afin d’assurer une donnée de qualité et en phase avec les nouvelles ambitions marketing. 

Exploiter la Data, clé de voûte d’un nouveau business model « data driven » pour des ambitions marketing toujours plus hautes

Voici quelques cas d’usage présentant les bénéfices liés à une bonne exploitation des données client.

Il devient possible de remonter rapidement les défaillances du produit et ses axes d’amélioration.

Grâce aux objets connectés et à la data en temps réel qu’ils enregistrent, les industriels peuvent davantage s’adapter aux attentes consommateurs. On peut penser à One Plus, le constructeur de téléphones chinois, qui s’appuie sur les remarques constantes et instantanées de ses clients les plus fidèles pour améliorer ses produits et logiciels Oxygen OS. Cette vision customer-centric est fructueuse : la marque voit sa part de marché sur l’industrie des téléphones  (Industrie-mag.com)

Il devient plus simple de connaître le client et de développer des services pour le fidéliser. En d’autres termes, d’assurer une source de revenus régulière pour l’entreprise sur tout le cycle de vie du client.

Ce phénomène est notamment observable dans l’industrie automobile où la multiplication des applications (MyOpel, MyCitroen, etc…) permet le suivi et l’entretien du véhicule ou encore les prochaines visites à effectuer. Cela améliore considérablement l’expérience du client qui se voit proposer un choix de facilité adapté à ses besoins et continue l’aventure avec le constructeur automobile initial. Cette augmentation de la fidélisation client est également fructueuse sur le plan de la collecte de data. En effet, en garantissant un contact permanent entre le constructeur et le consommateur sur tout le cycle de vie du produit, les industriels bénéficient d’une quantité de données qui leur permettra d’agir en conséquence et adapter leurs offres. Plus puissant encore, en possédant les données des clients vis à vis d’un produit, il est désormais possible pour les industriels d’anticiper les prochaines échéances du consommateur et de le devancer dans ses actes d’achat. Par exemple, les constructeurs automobiles détiennent des données sur les prochaines révisions des véhicules de leurs clients tels que la vidange ou le contrôle technique. Ainsi, ils anticipent les futurs besoins clients en proposant directement un rendez-vous et, en les devançant, “l’ultra-fidélisent”.

Les industriels peuvent optimiser leur processus d’approvisionnement, de production et de distribution.

Grâce à une connaissance décuplée des habitudes du consommateur, les entreprises vont pouvoir développer un business model sur mesure et adapté à chaque activité, c’est ce que l’on appelle le “Smart Grid”. Ce business model prôné par bon nombre d’industriels de l’énergie de premier plan (EDF, Engie, etc) repose sur un cercle vertueux entre l’industriel et le client. Il permet une relation instantanée et durable entre les deux parties. Il s’adresse aussi bien au B2B qu’au B2C/B2B2C. Il permet à l’industriel de gérer de manière optimale sa production en énergie, mais également d’obtenir pléthore d’informations sur les comportements et besoins précis du client. Il doit cependant répondre à des contraintes électroniques grâce à des objets connectés. On pense bien évidemment à l’exemple d’EDF, qui, grâce à la mise en place progressive de ses compteurs intelligents Linky obtient des données précieuses sur les habitudes de consommation de ses clients et régule ainsi sa production en fonction de cette demande. Ce mode de production semble devenir une norme que les industriels   

En conclusion, la donnée est un élément essentiel sur lequel capitaliser afin d’être au plus proche des attentes consommateurs. L’adoption d’une vision customer centric pour rester compétitifs à travers le développement de services, de l’IoT, d’une distribution en direct constituent de réelles opportunités pour collecter la donnée client. Cependant, si l’industrie de demain se doit d’être data driven, la parfaite maîtrise du process dans son ensemble reste un immense défi pour de nombreux . Cela nécessite une transformation des mindsets, des systèmes, des organisations, des stratégies marketing… Il semble indispensable d’impliquer en transverse les collaborateurs et de sensibiliser les métiers aux enjeux identifiés.

Contact

Un projet ou une problématique sur lesquels Thinkmarket pourrait vous accompagner ? Une simple question ? Contactez-nous.

map